La modernité philosophique de Vico

Pierre Girard (IHRIM/CERPHI - Université de Lyon Jean Moulin) est spécialiste en Histoire des idées, philosophie politique, XVII-XVIII siècles (Giambattista Vico, Émergence des Lumières à Naples, cartésianisme, Pietro Giannone, Mario Pagano. Lumières radicales et matérialisme en Italie). XIX-XX siècles (Antonio Gramsci. Littérature et société à Naples et dans l’Italie méridionale contemporaine. Italie des années 1970. Société et temps des révoltes. Mouvements de lutte armée).

Un des aspects les plus audacieux de la philosophie de Giambattista Vico consiste à penser rationnellement ce qui, dans la tradition cartésienne, avait été rejeté dans le «confus» et dans «l’obscur». Il en ressort une tension qui se manifeste clairement dans l’œuvre phare du philosophe napolitain, la Scienza nuova (dont la troisième version est publiée en 1744). L’entreprise de Vico s’assume comme pleinement scientifique, le problème étant alors de forger de nouveaux moyens épistémologiques adaptés au nouvel objet de la science : la «nature commune des nations». L'œuvre mêle une réflexion sur la fondation de la science à une plongée dans le monde poétique des premiers hommes et à leur mode de pensée. La force de la Scienza nuova consiste en même temps à maintenir jusqu’au bout une exigence de rationalité. La fascination qu’offre le monde des «auteurs des nations» – un monde issu d’une imagination toute-puissante – aboutit non pas à l’éviction de la raison, mais au contraire, à sa redéfinition dans la perspective d’un usage pratique et politique. C'est dans cette combinaison de la philosophie et d'une poétique qui s'ouvre à l'histoire que consiste la modernité de l'entreprise de Vico.